Du Conseil d’État égyptien au Tribunal d’appel des Nations Unies en passant par l’Université de Strasbourg
Conseiller d’État, ancien arbitre au ministère égyptien de la Justice, ancien conseiller juridique au sein de nombreux ministères égyptiens, anciennement chargé de la formation des magistrats administratifs au Centre de formation judiciaire, enseignant à la Faculté de droit de l’Université britannique d’Égypte, diplômé de l'Université de Beni Suef et de l'Université du Caire (Égypte), ancien élève de l’ENA (actuel INSP- promotion Jules Verne 2014) en France, diplômé de l’École d’économie de l’Université d’Auvergne (France), docteur de l’Institut de Recherche Carré de Malberg (IRCM) - Université de Strasbourg, M. Abdelmohsen Sheha est doté d’une expérience « unique ».
Depuis le 14 juin 2023, date à laquelle il a prêté serment devant M. AntÓnio Guterres, Secrétaire général de l’ONU, M. Sheha officie désormais au TANU pour un mandat de sept ans à compter du 1er juillet 2023. Il devient ainsi le premier docteur de l’IRCM / de l'Université de Strasbourg à intégrer cette haute juridiction. C’est aussi, une première pour un égyptien et un ancien élève étranger de l’INSP.
Pour son ancien directeur de thèse, le professeur Jean Philippe Kovar, « le parcours doctoral et professionnel de M. Abdelmohsen Sheha est la preuve que l’alliance de la recherche juridique et de la pratique du droit est une source d’enrichissement croisé. Ses remarquables qualités d’analyse et de raisonnement, acquises dans l’exercice des fonctions de magistrat administratif, lui ont permis d’apporter une contribution majeure à la recherche en droit comparé franco-égyptien, qui intéressera tant les comparatistes que les spécialistes de droit économique. En retour, l’obtention du grade de docteur en droit, la diffusion de sa thèse de doctorat et ses diverses publications scientifiques lui ont ouvert les portes du prestigieux Tribunal d’appel des Nations Unies, dont il est désormais l’un des sept juges élus par l’Assemblée générale des Nations Unies ».
Une promotion singulière
Compétent pour connaitre du contentieux de la fonction publique internationale, le TANU est juge d’appel des jugements du Tribunal du contentieux des Nations Unies (TCNU) ; il se situe au sommet du système judiciaire onusien. L’accès - sur concours - y est ouvert aux magistrats administratifs et prudhommaux justifiant d’une expérience de dix à quinze ans ou d’un complément d’expérience pertinente, universitaire ou d’arbitrage. Afin de garantir leur indépendance, il appartient à l’Assemblée générale des Nations Unies d’élire, au bulletin secret, les juges, parmi les candidats - admis et recommandés à l’issue d’un examen écrit et d'un entretien - par le Conseil de justice interne de l'ONU.
En complément de son expérience professionnelle et de la formation reçue à l’ENA, l’exercice exigeant de la thèse a préparé M. Sheha à ce concours d’intégration hautement compétitif. C’est donc, une heureuse perspective pour les nombreux doctorants et autres étudiants en droit de l’Université de Strasbourg.
Universitaire et magistrat, l’avantage d’une thèse de droit comparé
Docteur en droit public depuis le 8 février 2021, M. Sheha a réalisé une thèse sur « la régulation du secteur des communications électroniques. Étude comparée des droits français et égyptien ». Publiée en 2022 aux éditions L’Harmattan, son travail est récompensé la même année d’un prix spécial de thèse "Droit comparé" de l’Association française des docteurs en droit (AFDD).
Point ultime de son parcours universitaire, la thèse n’est formellement pas requise pour accéder au TCNU ou au TANU.Elle reste, cependant, un atout important qui favorise le succès au concours. D’un côté, le doctorat renforce la capacité de recherche chez chaque thésard. Il devient ainsi apte à mener des recherches sur des questions diverses en relativement peu de temps. De plus, de par sa nature, l'expérience doctorale permet au docteur de prendre un recul suffisant - pour avoir une vue d'ensemble - nécessaire pour proposer un avis cohérent avec le cadre théorique général. D'un autre côté, l'expérience d'une thèse de droit comparé se révèle d'une grande utilité pour les juridictions internationales qui réunissent des juges venant de toutes les traditions juridiques. La maîtrise des outils de droit comparé permet alors au docteur/praticien d'éviter les faux-amis terminologiques/dogmatiques et de faire des analyses aussi bien fines qu'efficaces sur le sujet traité. D'ailleurs, cette hypothèse de valorisation se vérifie au nombre de juges retenus pour les juridictions administratives onusiennes. Au TANU par exemple, sur les dix juges recommandés en 2022, six étaient titulaires d'un doctorat ; et, sur les cinq juges élus, trois sont docteurs.
Par Jules Nyobe
Chargé d'appui aux missions scientifiques Fru6703